Au Cameroun, deux femmes transgenres ont été condamnées, mardi 11 mai 2021, à cinq ans de prison pour « tentative d’homosexualité » et « outrage public aux mœurs », une décision qui renforce les craintes d’une répression croissante contre les minorités sexuelles.
Selon les informations du Guardian, les chefs d’accusation comprenaient également la non-possession d’une carte d’identité nationale, une infraction rarement poursuivie au Cameroun.
Shakiro, une figure populaire des réseaux sociaux, et Patricia ont été arrêtées le 8 février dans un restaurant de Douala, la plus grande ville du Cameroun, et prises pour cible en raison de leurs tenues vestimentaires, selon leurs avocats.
Les gendarmes les ont interrogées sans la présence d’un avocat, les ont frappées et menacées de les tuer, les couvrant d’insultes anti-LGBT et les forçant à signer des déclarations, selon des militants et des avocats qui leur ont rendu visite en détention. Shakiro et Patricia ont ensuite été transférées à la prison centrale surpeuplée de Douala où elles ont déclaré avoir été battues et insultées par des gardiens et d’autres détenus
L’homosexualité illégale
Selon Richard Tamfu, l’un des avocats des femmes, le jugement est inhabituellement sévère. « C’est un message clair envoyé à la communauté LGBT, à savoir qu’elle n’est pas la bienvenue au Cameroun et qu’elle risque cinq ans d’emprisonnement en cas d’arrestation » condamne l’avocat, qui a fait appel de la décision mercredi.
Les actes homosexuels sont illégaux au Cameroun et passibles d’une peine maximale de cinq ans. Pourtant, aucune preuve n’a été fournie par le tribunal pour les actes commis, a déclaré Tamfu. « Nous savons que dans le Code pénal camerounais, l’homosexualité est punie d’une peine allant entre six mois et cinq ans. Donc pour quelqu’un qui est poursuivi pour tentative d’homosexualité, avoir été condamné à cinq ans, c’est très sévère. »
Comme dans beaucoup de pays africains, l’homosexualité est souvent tournée en dérision, jugée contre nature et importée de la culture occidentale. Les arrestations arbitraires, les extorsions et les abus à l’encontre des minorités sexuelles sont monnaie courante au Cameroun.
Multiplication des arrestations
Avant 2013, les autorités camerounaises étaient parmi les plus agressives au monde en matière de poursuites contre les actes homosexuels. Après des années de baisse significative des poursuites, on a assisté l’année dernière à une recrudescence des incidents signalés, a déclaré au Guardian Neela Ghoshal, directrice des droits LGBT à Human Rights Watch.
« Nous sommes préoccupés par la multiplication des arrestations l’année dernière. Le fait qu’une condamnation sévère de cinq ans ait été prononcée laisse penser que le Cameroun se lance à nouveau dans une attaque en règle contre les personnes LGBT » craint Neela Ghoshal.
En mai 2020, 53 personnes ont été arrêtées lors de descentes dans des groupes de prévention et de traitement du VIH et du sida, certaines victimes déclarant avoir été battues et soumises à des « examens anaux » forcés.
Le 24 février dernier, la police arrête treize personnes accusées d’homosexualité, avant de les libérer quelques jours plus tard. Parmi elles, une femme transgenre de 22 ans dénonce les propos des policiers à leur égard. « La police nous a dit que nous étions des démons, pas des humains, pas normaux » a-t-elle déclaré.
Entre février et avril 2021, il y a eu au moins 24 incidents au cours desquels les forces de sécurité camerounaises ont arbitrairement arrêté, battu ou menacé des personnes pour une prétendue conduite homosexuelle ou une non-conformité de genre, a déclaré Ghoshal.